De la pile à l’usine : l’invention extraordinaire de la « fée électricité »

Découverte par les Grecs en 600 avant notre ère, il faudra attendre le XIXe siècle pour que l’électricité commence à être utilisée à des fins industrielles et domestiques. De la pile électrique à internet, en passant par le téléphone et l’ampoule, le monde en sera changé à tout jamais ! La fusion nucléaire sera-t-elle la prochaine étape de cette histoire extraordinaire ?
Par Arnaud Pagès

C’est au XVIIe siècle que William Gilbert, astronome, physicien et premier médecin de la reine d’Angleterre Elisabeth 1er, inventa le mot électricité, formé à partir du mot grec elektron, qui désigne l’ambre jaune, connue depuis l’antiquité pour ses propriétés électro-magnétiques. Sous l’impulsion d’un grand nombre de chercheurs intrigués par ce phénomène, les découvertes vont se multiplier pendant le XVIIIe siècle.
En 1729, le britannique Stephen Gray, un teinturier passionné par la physique, découvre la conduction électrique en réalisant des expériences électrostatiques. Il sera le premier à établir qu’il existe des corps pouvant conduire le courant, et d’autres qui l’en isolent.
À la toute fin du siècle, le scientifique italien Alessandro Volta, crée la première pile électrique. Deux ans plus tard, le Moniteur Universel détaille le fonctionnement de cette découverte révolutionnaire dans son édition du 23 décembre 1801 :
« De même que l’électricité de la colonne s’accumule dans le condensateur, elle s’accumulera dans l’intérieur d’une bouteille de Leyde, dont l’extérieur communiquera avec le réservoir commun ;
et comme, à mesure que la pile se décharge, elle se recharge aux dépens de ce même réservoir, la bouteille se rechargera également, quelle que soit sa capacité ;
mais sa tension intérieure ne pourra jamais excéder celle qui a lieu au sommet de la pile : si on retire alors la bouteille, elle donnera la commotion correspondante à ce degré de tension, et c’est ce que l’expérience confirme. »

Gazette nationale ou le Moniteur universel 23 décembre 1801

Il faudra attendre 1822 et la mise au point du premier moteur électrique rotatif par le physicien anglais Peter Barlow pour que cette « nouvelle » source d’énergie soit envisagée comme un outil. Pendant ce temps en France, le Français André-Marie Ampère – qui donnera son nom à l’unité d’intensité du courant électrique – a mis au point l’électroaimant. Les découvertes vont alors s’enchaîner à un rythme soutenu !
Le scientifique et chercheur américain Samuel Morse invente le premier télégraphe électrique, plus pratique, plus rapide et moins coûteux que les précédentes tentatives, et le fait breveter en 1840. Quatre ans plus tard, le premier télégramme est envoyé.
Cette innovation majeure dans l’histoire de la transmission d’informations révèle rapidement tout son potentiel, comme le relate le Moniteur Universel dans son édition du 5 février 1850 :
« A l’aide d’un télégraphe électrique, les stations où résident les machines sont averties de l’arrêt d’un train sur la voie ; des mesures peuvent être prises en conséquence.
On peut suivre pas à pas, pour ainsi dire, la marche d’un convoi.
Le télégraphe électrique remédie aussi, du point de vue de la sécurité, aux inconvénients qui sont la conséquence de l’expédition de trains extraordinaires, non annoncés. Lorsque de pareils trains deviennent indispensables, le télégraphe électrique en prévient toutes les stations, et l’ordre peut être communiqué immédiatement aux gardiens chargés de la surveillance de la voie. […]
Le télégraphe électrique est donc le complément indispensable des lignes ferrées ; il en doit suivre le développement. »

Gazette nationale ou le Moniteur universel 5 février 1850

En 1870, Zenobe Gramme, un menuisier belge passionné par l’innovation mécanique et l’électricité, réalise l’exploit de faire fonctionner une dynamo à courant continu : il arrive à stabiliser l’énergie de l’électricité. Son invention conduira à la création du premier générateur de courant suffisamment puissant et durable pour être utilisé à grande échelle.
Dans son édition du 14 décembre 1880, le grand quotidien Le Temps revient sur cette invention capitale :
« Les grands développements de l’électricité en tant que puissance industrielle ne datent guère que de l’invention faite en 1870 par un ouvrier nommé Gramme ; l’induit mobile de Gramme est un anneau qui tourne autour de son centre et dans son plan ; on peut le considérer comme un électro-aimant droit qu’on aurait courbé en cercle. »

Le Temps 14 décembre 1880

Dès lors, l’électricité fait son apparition dans l’ensemble de la production industrielle européenne en s’infiltrant au cœur des usine et augmentant les rendements, tout en faisant largement baisser la pénibilité du travail.
Dans le même mouvement, deux autres inventions majeures vont faire faire un saut de géant aux télécommunications et à l’éclairage.
En 1854, l’inventeur franco-belge Charles Bourseul crée une machine électrique rudimentaire permettant de communiquer par la voix à distance. Un peu plus de vingt ans plus tard, l’ingénieur américain Graham Bell dépose – bien qu’il n’en soit pas le concepteur – le brevet du téléphone : il fera connaître ce nouvel appareil au grand public, lui assurant le succès international que l’on connaît.
Au même moment, l’inventeur et chef d’entreprise Thomas Edison met au point en 1879 la première lampe à incandescence grâce à une ampoule renfermant un filament dans lequel passe le courant électrique. Dans son édition du 9 octobre 1881, L’Avenir républicain donne à ses lecteurs les détails de cette nouvelle façon de s’éclairer :

« Dès qu’on lance le courant dans la lampe, le filament en charbon végétal s’échauffe et devient lumineux, et d’autant plus que le courant est intense.
Le vide étant fait dans l’œuf, il ne se produit aucune combustion, et le filament reste intact. Il subit pourtant, à la longue, une modification moléculaire, qui finit par le mettre hors service.
Mais ce n’est qu’au bout de 1 000 ou 1 200 heures (7 à 8 mois, à 5 heures d’éclairage par jour) qu’il faut le remplacer, ou, autrement dit, renouveler la lampe ; or, le prix de fabrique de chaque lampe n’est que d’un shelling (1 fr. 25). »

L’Avenir républicain 9 octobre 1881

Grâce au moteur électrique, à la dynamo, au télégraphe, au téléphone, à l’ampoule, les techniques de production dans les usines et la vie quotidienne allaient connaître une révolution sans précédent !
De nombreuses autres inventions allaient impacter en profondeur la société, qu’il s’agisse des premières centrales électriques, des ondes radios, des rayons X, de la création du métro ou de l’électrocardiogramme… L’innovation industrielle n’a cessé depuis de progresser toujours et encore avec l’électricité solaire, éolienne et géothermique, les piles à combustible, le circuit intégré, les cartes à puce… jusqu’à Internet, qui n’aurait jamais vu le jour sans la fée électricité ! Et ce n’est pas fini : le projet international Iter, implanté à Cadarache en Provence, expérimente actuellement la fusion nucléaire – l’un des plus grands défis technologiques et humains.

Pour en savoir plus :
Denis Guthleben, CNRS, Rêves de savants, Armand Colin, 2011
Gérard Borvon, Histoire de l’électricité : de l’ambre à l’électron, Vuibert, coll. « Va savoir ! », 2009

Illustrations :
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b9011372d
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b53143870p.r=electricit%C3%A9?rk=622320;4
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b9008994z/f1.item.r=electricit%C3%A9.zoom
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b10539184j/f118.item.zoom

Au XVIIIe siècle, l’invention des premiers métiers à tisser automatisés va enclencher, quelques dizaines d’années plus tard, la fabrication en série du textile – première brique de la Seconde Révolution industrielle.

Par Arnaud Pagès

On oublie souvent de fêter les inventions extraordinaires qui ont modifié le cours de l’histoire. Il y a 250 ans, en 1769, l’inventeur anglais Richard Arkwright dépose le brevet de la première machine à tisser automatique. Connue sous le nom de « water frame », elle est constituée par un métier à filer hydraulique qui simplifie le travail du textile en remplaçant l’action des mains par celle de cylindres en métal, délivrant ainsi les ouvriers de tâches potentiellement laborieuses et répétitives.
Avant lui, son compatriote Lewis Paul avait mis au point, en 1748, la toute première machine à carder actionnée par un dispositif mécanique. Rapidement surnommée la « navette volante », elle permettait de produire des pièces de plus grande taille, plus rapidement, et avec moins d’ouvriers à la manœuvre.

Ces deux innovations, rendues possibles par l’utilisation de la vapeur comme force motrice, révolutionnent la fabrication du tissu, qui s’opérait jusqu’ici à la main et principalement dans des manufactures artisanales. Les premiers métiers à tisser mécaniques sont utilisés dès 1786.

En 1841, tandis que la réussite de l’invention n’est déjà plus à démontrer, Le Constitutionnel revient avec enthousiasme sur le fonctionnement de la machine mise au point par Arkwright :
« Alors Arkwright, pour limiter l’action des deux doigts qui pincent la mèche, imagine de faire passer cette mèche entre deux petits cylindres, un cannelé en fer, l’autre couvert de drap et de peau et reposant sur le premier.
Voilà la mèche bien formée dans cette espèce de laminoir. Il s’agit maintenant de l’amincir, de l’allonger. C’est ce que la fileuse opère en écartant les deux mains. Arkwright n’est point embarrassé pour résoudre cette difficulté ; il en triomphe d’une manière parfaite, et c’est ici sans doute le point le plus ingénieux de son invention. Il fait passer la mèche, au sortir de la première paire de cylindres, entre deux autres cylindres pareils, situés à quelques lignes seulement des premiers. […]
Avoir remplacé le concours mécanique des doigts par la différence de vitesse de rotation de deux paires de cylindres, tel est le trait de génie qui marque la machine d’Arkwright. »

À la toute fin du XVIIIe siècle et à l’issue de la période révolutionnaire, Bonaparte prend les rênes du pouvoir en France. Il décide de mettre en place un vaste plan de modernisation des manufactures françaises. En 1801, l’inventeur lyonnais Joseph-Marie Jacquart met au point un métier à tisser révolutionnaire, à la fois mécanique et programmable, grâce à un système de cartes perforées qui automatisent la sélection des fils avant leur tissage. Cette innovation, qui s’apprête à connaître un succès international, annonce un âge d’or du textile français, dont le développement sera fortement soutenu par l’Empire.

C’est pourtant à Philippe de Girard que revient certainement le plus grand mérite dans la mécanisation du textile. Il a été le pionnier de cette transformation radicale en installant à Paris la toute première filature mécanique, qui fera par la suite de nombreuses émules.
« L’appel de l’Empereur fut entendu ; les intelligences se mirent à l’œuvre, et l’on ne tarda pas à voir apparaître des machines qui, sans être parfaites, avaient résolu le problème mécanique et préparé les voies à une transformation radicale dans le travail du lin.
Il est bien constaté aujourd’hui que l’honneur de cette invention revient à Philippe de Girard, qui avait établi, dès 1813, une filature mécanique de lin dans la rue Meslay, à Paris. »

Ces nouvelles machines apparaissent comme miraculeuses. Elles permettent d’augmenter considérablement la production du textile. C’est de l’autre côté de la Manche que les progrès sont les plus visibles. En cette première moitié de XIXe siècle les Britanniques ont, en termes techniques et industriels, une longueur d’avance sur les Français, comme en fait état le Journal du Commerce tandis qu’il traduit un article de la feuille économique britannique The Technical Repository dans son édition du 22 août 1824 :
« Trois fileurs de coton pris parmi les plus expérimentés de l’Angleterre, ont estimé, il y a six ou sept ans, que le fil de coton produit, terme moyen, par chaque ouvrier, comparé à ce qu’aurait filé une personne, au simple rouet, comme c’était la pratique avant les dernières inventions d’Arkwright et autres, était alors comme 120 à un (1), c’est-à-dire qu’une seule personne produisait autant que 120 auraient produit antérieurement à ces découvertes. »

Les perfectionnements apportés à la machine créée par Richard Arkwright vont constamment améliorer la mécanisation du textile. Lors de sa séance du lundi 4 septembre 1826, l’Académie des Sciences fait état d’une nouvelle invention mise au point par un manufacturier lyonnais. Le Globe en fait part dans son édition du 7 septembre :
« M. Navier fait un rapport sur un métier à tisser présenté à l’Académie par M. Augustin Coron, manufacturier soie à Lyon, dans lequel le mouvement de toutes les parties est produit par la rotation continue d’un moteur unique tournant toujours dans le même sens.
L’auteur s’est provisoirement muni d’un brevet d’invention qui lui donne un droit exclusif de propriété de son métier pendant dix ans, puis d’un brevet de perfectionnement pour des améliorations postérieures à l’invention. »

Le Globe 7 septembre 1826

Dans le premier tiers du XIXe siècle et grâce à la fabrication mécanique du textile, les anciennes manufactures se sont peu à peu transformées, jusqu’à être remodelées en profondeur. Avec l’automatisation du travail et la mise en place de chaînes de production, elles ont été capables de s’agrandir et de se moderniser. Dès la fin du XVIIIe siècle, le mot « usine » – dérivé du latin « usus », qui signifie le droit d’user d’une chose sans en percevoir les fruits – avait fait son apparition. Il désignait alors un établissement de production industrielle, et non plus un atelier où des objets étaient manufacturés – c’est-à-dire fabriqués à la main. Il faudra attendre la décennie 1820 pour que le mot se répande dans le langage courant, avec le sens qu’on lui connaît toujours aujourd’hui.
À la fin de la Restauration, la France compte plusieurs dizaines d’usines fabriquant du textile à l’aide de procédés mécaniques. L’âge de la filature automatisée a bel et bien commencé. La technique industrielle n’aura quant à elle de cesse de se perfectionner, remplaçant progressivement la vapeur par l’électricité, et en inventant le métier à tisser à projectile, à jet d’air puis à jet d’eau.

Légendes :
1.Photographie d’un métier à tisser le lin, Agence Meurisse, 1935 – source : Gallica-BnF
2. Page extraite d’un manuel de fabrication de métiers à tisser artisanaux, circa 1650 – source : Gallica-BnF

 

L’invention du métier à tisser mécanique

Au XVIIIe siècle, l’invention des premiers métiers à tisser automatisés va enclencher, quelques dizaines d’années plus tard, la fabrication en série du textile – première brique de la Seconde Révolution industrielle.

Par Arnaud Pagès

On oublie souvent de fêter les inventions extraordinaires qui ont modifié le cours de l’histoire. Il y a 250 ans, en 1769, l’inventeur anglais Richard Arkwright dépose le brevet de la première machine à tisser automatique. Connue sous le nom de « water frame », elle est constituée par un métier à filer hydraulique qui simplifie le travail du textile en remplaçant l’action des mains par celle de cylindres en métal, délivrant ainsi les ouvriers de tâches potentiellement laborieuses et répétitives.

Avant lui, son compatriote Lewis Paul avait mis au point, en 1748, la toute première machine à carder actionnée par un dispositif mécanique. Rapidement surnommée la « navette volante », elle permettait de produire des pièces de plus grande taille, plus rapidement, et avec moins d’ouvriers à la manœuvre.

Ces deux innovations, rendues possibles par l’utilisation de la vapeur comme force motrice, révolutionnent la fabrication du tissu, qui s’opérait jusqu’ici à la main et principale

ment dans des manufactures artisanales. Les premiers métiers à tisser mécaniques sont utilisés dès 1786.
En 1841, tandis que la réussite de l’invention n’est déjà plus à démontrer, Le Constitutionnel revient avec enthousiasme sur le fonctionnement de la machine mise au point par Arkwright :
“Alors Arkwright, pour limiter l’action des deux doigts qui pincent la mèche, imagine de faire passer cette mèche entre deux petits cylindres, un cannelé en fer, l’autre couvert de drap et de peau et reposant sur le premier.
Voilà la mèche bien formée dans cette espèce de laminoir. Il s’agit maintenant de l’amincir, de l’allonger. C’est ce que la fileuse opère en écartant les deux mains. Arkwright n’est point embarrassé pour résoudre cette difficulté ; il en triomphe d’une manière parfaite, et c’est ici sans doute le point le plus ingénieux de son invention. Il fait passer la mèche, au sortir de la première paire de cylindres, entre deux autres cylindres pareils, situés à quelques lignes seulement des premiers. […]
Avoir remplacé le concours mécanique des doigts par la différence de vitesse de rotation de deux paires de cylindres, tel est le trait de génie qui marque la machine d’Arkwright.”

 la toute fin du XVIIIe siècle et à l’issue de la période révolutionnaire, Bonaparte prend les rênes du pouvoir en France. Il décide de mettre en place un vaste plan de modernisation des manufactures françaises. En 1801, l’inventeur lyonnais Joseph-Marie Jacquart met au point un métier à tisser révolutionnaire, à la fois mécanique et programmable, grâce à un système de cartes perforées qui automatisent la sélection des fils avant leur tissage. Cette innovation, qui s’apprête à connaître un succès international, annonce un âge d’or du textile français, dont le développement sera fortement soutenu par l’Empire.
C’est pourtant à Philippe de Girard que revient certainement le plus grand mérite dans la mécanisation du textile. Il a été le pionnier de cette transformation radicale en installant à Paris la toute première filature mécanique, qui fera par la suite de nombreuses émules.
“L’appel de l’Empereur fut entendu ; les intelligences se mirent à l’œuvre, et l’on ne tarda pas à voir apparaître des machines qui, sans être parfaites, avaient résolu le problème mécanique et préparé les voies à une transformation radicale dans le travail du lin. Il est bien constaté aujourd’hui que l’honneur de cette invention revient à Philippe de Girard, qui avait établi, dès 1813, une filature mécanique de lin dans la rue Meslay, à Paris. »

Ces nouvelles machines apparaissent comme miraculeuses. Elles permettent d’augmenter considérablement la production du textile. C’est de l’autre côté de la Manche que les progrès sont les plus visibles. En cette première moitié de XIXe siècle les Britanniques ont, en termes techniques et industriels, une longueur d’avance sur les Français, comme en fait état le Journal du Commerce tandis qu’il traduit un article de la feuille économique britannique The Technical Repository dans son édition du 22 août 1824 :
“Trois fileurs de coton pris parmi les plus expérimentés de l’Angleterre, ont estimé, il y a six ou sept ans, que le fil de coton produit, terme moyen, par chaque ouvrier, comparé à ce qu’aurait filé une personne, au simple rouet, comme c’était la pratique avant les dernières inventions d’Arkwright et autres, était alors comme 120 à un (1), c’est-à-dire qu’une seule personne produisait autant que 120 auraient produit antérieurement à ces découvertes.”

Les perfectionnements apportés à la machine créée par Richard Arkwright vont constamment améliorer la mécanisation du textile. Lors de sa séance du lundi 4 septembre 1826, l’Académie des Sciences fait état d’une nouvelle invention mise au point par un manufacturier lyonnais. Le Globe en fait part dans son édition du 7 septembre :
“M. Navier fait un rapport sur un métier à tisser présenté à l’Académie par M. Augustin Coron, manufacturier soie à Lyon, dans lequel le mouvement de toutes les parties est produit par la rotation continue d’un moteur unique tournant toujours dans le même sens. L’auteur s’est provisoirement muni d’un brevet d’invention qui lui donne un droit exclusif de propriété de son métier pendant dix ans, puis d’un brevet de perfectionnement pour des améliorations postérieures à l’invention.”

Dans le premier tiers du XIXe siècle et grâce à la fabrication mécanique du textile, les anciennes manufactures se sont peu à peu transformées, jusqu’à être remodelées en profondeur. Avec l’automatisation du travail et la mise en place de chaînes de production, elles ont été capables de s’agrandir et de se moderniser. Dès la fin du XVIIIe siècle, le mot « usine » – dérivé du latin « usus », qui signifie le droit d’user d’une chose sans en percevoir les fruits – avait fait son apparition. Il désignait alors un établissement de production industrielle, et non plus un atelier où des objets étaient manufacturés – c’est-à-dire fabriqués à la main. Il faudra attendre la décennie 1820 pour que le mot se répande dans le langage courant, avec le sens qu’on lui connaît toujours aujourd’hui.

À la fin de la Restauration, la France compte plusieurs dizaines d’usines fabriquant du textile à l’aide de procédés mécaniques. L’âge de la filature automatisée a bel et bien commencé. La technique industrielle n’aura quant à elle de cesse de se perfectionner, remplaçant progressivement la vapeur par l’électricité, et en inventant le métier à tisser à projectile, à jet d’air puis à jet d’eau.

Légendes :
1.Photographie d’un métier à tisser le lin, Agence Meurisse, 1935 – source : Gallica-BnF
2. Page extraite d’un manuel de fabrication de métiers à tisser artisanaux, circa 1650 – source : Gallica-BnF

Baromètre Trendeo de l’Usine du Futur :
La France se hisse à la 2e place européenne en nombre d’investissements industriels, devant l’Allemagne

Le Baromètre Trendeo de l’Usine du Futur, qui analyse l’ensemble des projets industriels à travers le monde, confirme l’attractivité de la France et le réveil de l’industrie hexagonale. 239 projets d’investissements significatifs (supérieurs à 30 millions $) ont été recensés en France entre 2016 et 2019, plaçant le pays en 2e position, derrière le Royaume-Uni… mais devant l’Allemagne. La moitié de ces projets répondent au moins à un des critères de « l’usine du futur ».

+ de 20 000 embauches à la clé, autant d’emplois « qui ont du sens »

Concernant la création d’emplois dans l’industrie, le baromètre révèle que l’hexagone occupe la 3e marche du podium européen avec 20 363 nouveaux postes entre 2016 et 2019. Ces résultats confirment le dernier état des lieux de l’INSEE, qui a recensé 12 400 nouveaux emplois dans l’industrie sur la dernière année, soit une hausse de + 0,4 %.

« Le travail à l’usine d’aujourd’hui, n’a plus rien à voir avec l’image que beaucoup de Français.es se font. Nous offrons des emplois ancrés dans le réel, de qualité, globalement mieux rémunérés que la moyenne. L’industrie s’est transformée pour répondre aux défis du monde d’aujourd’hui. Nos usines font collaborer les robots et les humains intelligemment, autour d’un objectif commun : créer », poursuit Bruno Grandjean. « À l’heure où les jeunes sont en perte de repères, nous prétendons leur offrir des carrières qui font sens. En tant qu’industriels, nous avons un rôle fondamental à jouer pour être utiles à la société. C’est la raison pour laquelle la Fondation Usine Extraordinaire promeut une industrie inclusive : notre ambition est de rapprocher l’usine des Français.es, quels que soient l’origine sociale, culturelle, le handicap, le genre… »

 

Des usines du futur qui essaiment sur tout le territoire

Les résultats de ce baromètre de l’Usine du Futur illustrent le potentiel attractif grandissant de l’industrie en France, mais aussi sa capacité à prendre le train de la 4e révolution industrielle.

À titre d’exemple, avec son site historique de Ladoux dédié aux technologies et à l’innovation, Michelin conçoit des prototypes toujours plus inventifs. Dernière révolution en date : des pneus « increvables », fruits d’une technologie jusque-là inédite, et dont la commercialisation est prévue pour 2024. Le groupe s’engage également en faveur de la formation avec le « Hall 32 », un centre des métiers de l’industrie du futur à Clermont-Ferrand, qui accueille ses premiers élèves depuis septembre 2019.

Plus au sud, l’usine centenaire de Sanofi à Sisteron est devenue quant à elle un site pilote pour le passage au numérique : la transition vers les nouvelles technologies de l’ensemble du réseau industriel de l’entreprise sera ainsi finalisée d’ici 2021. Ces nouveaux outils permettront notamment d’introduire des capteurs connectés ainsi qu’un système d’intelligence artificielle qui optimiseront la chaîne de production.

Chez EDF, la transition numérique se concrétise aussi sur le terrain technique. Les technicien.ne.s d’exploitation de la centrale nucléaire de Paluel sont équipé.e.s de tablettes pour réaliser directement sur le terrain la relève de certains capteurs, des demandes de travaux, etc. Des apps métiers ont été développées pour simplifier les pratiques de travail, apporter davantage d’ergonomie et de sérénité aux salarié.e.s.

Baromètre “Les Jeunes et l’Industrie” par Arts et Métiers

L’image de l’industrie continue d’évoluer chez les jeunes, comme le démontrent les résultats de la 7e édition du baromètre “Les Jeunes et l’Industrie” réalisé par l’Ecole nationale supérieure d’arts et métiers. Ainsi, l’opinion à l’égard de l’industrie continue de progresser favorablement, boostée notamment par l’innovation et l’image du Made in France. En 2019, 80% des lycéen.ne.s en série S ou technologique ont une bonne opinion de l’industrie, ce qui représente une hausse de 5 points par rapport à l’année dernière.

De même, la part des élèves souhaitant exercer un métier industriel a dépassé pour la première fois la barre des 50%. Le prestige français, quant à lui, continue de jouer un rôle important dans l’attractivité du secteur, puisque 84% des lycéen.ne.s – et en particulier les filles (avec 10 points de plus que les garçons) – seraient fier.e.s de travailler dans une entreprise industrielle française.  

Les aspirations des lycéen.ne.s en termes de métiers sont également très variées : 48% d’entre eux souhaitent devenir ingénieur.e.s, un recul de 12 points dû à une diversification des profils recherchés accompagnant la hausse de la part de jeunes souhaitant travailler dans l’industrie. Certain.e.s s’imaginent chercheur.se.s (25%, +3 points), technicien.ne.s supérieurs (25%, +2 points), dessinateur.rice.s industriel.le.s (13%, +2 points) ou encore électronicien.ne.s (12%, +8 points). Enfin, ils veulent avant tout travailler dans le secteur des énergies renouvelables (40%) ou des équipements numériques (39%).